Revue de PARIS mars 95
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                 L'art en sa demeure 

par Tonie BEHAR

A LA VIEILLE RIVALITÉ PARISIENNE, RIVE DROITE CONTRE RIVE GAUCHE, VIENT SE GREFFER UNE ÉMU­LATION D'UN GENRE NOUVEAU : l'OUEST DE LA TRADITION FACE À L'EST DE L'AVANT-GARDE. DEUX CULTURES COMPLÉMENTAIRES QUI, DES HAUTEURS DE SAINT-CLOUD AUX QUAIS D'Ivry-sur-seine, REDESSINENT PEU À PEU LE NOUVEAU VISAGE DE PARIS. L'ÉVEIL DE L'EST A COMMENCÉ PAR LA PRISE DE LA BASTILLE, LORS DE LA CONSTRUCTION DU NOUVEL OPÉRA. AVEC LE PALAIS OMNISPORTS DE BERCY, LA COULÉE VERTE, LE NOUVEAU MINISTÈRE DES FINANCES, LE STADE CHARLÉTY, ET BIENTÔT LA « Très GRANDE BIBLIOTHÈQUE »... LE VIEUX PARIS DES ATELIERS ET DES ÉCHOPPES SE TRANS­FORME EN UN NOUVEL AXE DE CULTURE, D'AFFAIRES ET D'HABITAT. C'EST LÀ, AUX PORTES DE PARIS, À IVRY-SUR-SEINE, QU'UN PROMOTEUR UN PEU RÊVEUR (!L N'EN RESTE QU'UN !), PIERRE BERTHEAU, A EU L'IDÉE DE CRÉER UNE CITÉ D'ARTISTES, EN RÉAMÉNAGEANT LES LOCAUX D'UNE GRAINE­TERIE DÉSAFFECTÉE. A L'EST, PARIS N'EST PAS UNE VILLE FIGÉE DANS LA PIERRE DE TAILLE DE SES IMMEUBLES HAUSSMANNIENS : ELLE LAISSE LA PLACE À UN URBANISME TEINTÉ D'IMAGINAIRE.

A l'ère de la désindustrialisation, la proche banlieue de l'Est parisien perd sa vocation ouvrière, les usines, sans activité, se vident. Restent leurs char­pentes, squelettes de bois et d'acier conçus au temps de la révolution industrielle, auxquels on découvre une soudaine beauté architecturale. Ce terri­toire autrefois réservé offre de nombreuses possibilités que l'ouest saturé ne peut plus fournir. Tout d'abord de 1 espace et la possibilité de créer de nouveaux quartiers proches de Paris, le prix du mètre carré pour l'instant assez bas, l'obtention rapide des permis de construire ou de rénover (un an d'attente à Paris, trois mois en ban­lieue). Tentés par cette percée vers l'est, certains démo­lissent à tout-va pour construire des immeubles et des bureaux, d'autres projettent d'utiliser les lieux laissés vacants pour imaginer de nouveaux espaces de vie.

C'est le cas de Pierre Bertheau, un gérant de société que rien ne prédisposait à devenir promo­teur immobilier. Il y a dix ans, il entend parler d'une usine de métallurgie à vendre, prototype architectural de l'école de Boston. Cet imaginatif rêve de la transfor­mer en un espace habitable destiné à ceux qui, dans l'exercice de leur métier, ont besoin d'espace et de lumière : peintres, photographes, sculpteurs ou musiciens. Son projet, « Ivry 1 » verra le jour en 1984, et sera conçu par deux architectes Francis Leclerc et Véronique Leplat.

Après ce premier succès, un nouveau programme a été prévu pour 1994, toujours à Ivry-sur-Seine. Avec le même credo : créer dans un ancien lieu d'activité des espaces où l'on puisse à la fois vivre et travailler. C'est une ancienne graineterie datant de 1890 qui accueille ce deuxième bébé de Bertheau, rue Elizabeth (prénom de la femme du direc­teur de l'usine). Les architectes retenus pour cette opération sont Corinne Lamberty et Olivier Gounon-Ascain.
Tout ce qui constituait l'esprit du lieu est respecté : conservation des charpentes, des façades, du quai de déchargement et des plateaux d'origine (dans une usine, chaque étage correspond à un « plateau » qui avait sa propre fonction. Le rez-de-chaussée, légèrement surélevé, forme un quai où se déroulaient tous les chargements et déchargements. Quatre matériaux de base ont été utilisés pour la rénovation du bâtiment : le bois et la brique de la structure originale, le verre pour laisser entrer la lumière, le métal pour consolider. Coquetterie architecturale, d'im­menses coursives habillent la devanture de leurs lignes géométriques, donnant un accès direct aux appartements des étages.

Chargé de références au cinéma, à New York, le loft fait rêver. Hauteur de plafond, volume, lumière... proposent une nouvelle façon de vivre l'habitat, séduisante, onirique, hors des schémas classiques. Réminiscence des eighties high-tech, il évoque pourtant un univers un peu froid, fait de métal et de verre. La grande originalité des projets de Bertheau, c'est leur dimension humaine et conviviale. Le concept même de ces « cités » d'artistes favorise les échanges amicaux ou professionnels, rapproche les voisins qui ne peuvent s'ignorer. Le loft à Ivry c'est un peu comme l Twingo : à chacun d'inventer la vie qui va avec. Opération réalisée par Corinne Lamberty et Olivier Gounon-Ascain.

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